Etre paysan dans les années après la guerre 40 reportages 1-2-3
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reportage 1 Issu d’une famille du terroir de Faux-Villecerf, André a connu le monde agricole de l’intérieur, sa mère & son oncle ayant hérité d’un petit bien paternel n’excédant pas chacun 20 ha, avec un seul cheval pour les deux explotations. Il se souvient du programme immuable d’une journée : le café vite avalé popur soigner en priorité les bêtes : -Donner « la botte » aux vaches ,, le fourrage & le picotin d’avoine (*)au cheval, avant de partir aux champs -La première traite manuelle -Le nettoyage régulier de l’étable & des écuries Et seulement après prendre un petit déjeuner tenant au corps. L’homme partait aux champs pendant que la femme "donnait "au cochon, nourrissait la chèvre, la basse cour : poules, canards, oies, lapins, surveillait les couvées, levait les œufs, puis tenait le ménage jusqu’à la traite du soir ; dans certaines fermes, elle préparait & cuisait le pain pour la semaine dans le four familial. Sur les terres enrichies avec le fumier & un complément d’engrais répandu à la volée, on cultivait alors, le seigle, l’avoine, le blé, l’orge, la betterave fourragère, la luzerne & le sainfoin, la pomme de terre.
La fenaison, la moisson, la moissonneuse lieuse, les gerbes, le battage, les sacs de 100kg porté à dos d’homme, le binage des betteraves, requéraient l’emprunt de chevaux , & toutes les énergies de la famille, complétée par l’embauche de saisonniers.
Passé les labours et les semailles, la vie paysanne, prenait un rythme « plus paisible », avec l’entretien des outils, la coupe de bois, le tri des grains pour la semence, l’abattage du cochon : le boudin,les pâtés, les conserves, les salaisons, le fumage. André se souvient -des noms donnés aux chevaux : Bergère, Coquette, Marquis, Bijou, Charmant.... -les commandements à la voix, confirmés d' une main légère sur les rênes, -les différents harnachements de cuir, le rôle du bourrelier & du maréchal ferrant , (il y avait pratiquement une forge par village) Il se souvient des animaux de compagnie, les chiens de garde & de chasse, les chats. Il se souvient des rares divertissements : le dimanche, après les soins des animaux, la messe dominicale, le « carton » pour l’homme de 14h00 à 17h00, la couture pour les femmes, les visites, les fêtes de village, la sainte Catherine, la saint Eloi, la fête des moissons et les réunions de famille à ces occasions, la chasse pour beaucoup, les veillées d’hiver au coin du feu avec les voisins. Il se souvient du porte à porte des commerces ambulants : le boulanger, l’épiciers , le boucher, le marchand de vêtements & de mercerie,… Il se souvient qu’en 1950 le village comptait 20 agriculteurs, … il n’en a plus que 6 aujourd’hui. (A ce jour, la profession se compose à 25% d’exploitants de plus de 60 ans, de 57% d’agriculteurs entre 40 & 50 ans, alors que les moins de 40 ans ne représentent que 17%
Bien qu’ayant changé de profession après ses 28 mois de services militaires, André n’a rien oublié de sa jeunesse, car c’est à lui que nous devons la création du musée de la mémoire paysanne, implanté à sa création dans une ferme de Thuisy regroupant un panel incroyable d’outils & d’objets usuels d’autrefois( avant 1960). Depuis les années 2000, ce musée a été transféré dans les anciennes usines Bruley, aujourd’hui foyer de vie Kerglas, ne conservant, faute de place, que les souvenirs les moins volumineux.
Visite guidée gratuite sur rendez-vous
(*) qui n’a pas vu dans sa prime jeunesse le casque lourd d’un poilu servant de mesure |
reportage 2 Bernard Morin
Issu d’une lignée de paysans, Bernard Morin se souvient des propriétés agricoles consacrées à la polyculture & aux animaux. Le blé, l’orge, l’avoine, le colza, le maïs, le battage au fléau, puis le trieur pour constituer le stock de semences, le reste de la récolte vendu en sacs aux marchands de blés qu’ils entreposaient dans de vastes hangars. Le rebus, les graines déclassées, étant réservées à la basse cour. Pour les animaux, les prairies artificielles : luzerne, sainfoin, complétée par la production de la betterave fourragère,( coupée en rondelles avec le coupe racines, auxquelles ont ajoutait de la menue paille, elle constituait une variation de l’alimentation.) L’élevage de 7 à 8 vaches dont 5/6 laitières qu’il menait & gardait au pré, entre la traite mécanique du matin & celle du soir, et ce d’avril à septembre. Quelques 120 moutons confiés à la garde d’un berger jusqu’en 1950. Les cochons, leur nourrissage à l’aide notamment de pommes de terre cuites dans un grand chaudron. La basse cour, les poules, les canards, les oies. Le potager familial Travaillant avec les parents, dans une famille où l’on respectait le jour du Seigneur, on ne parlait pas de rémunérations, mais seulement « d’une petite pièce » pour la vie de garçon du samedi soir & du dimanche. Parmi les fêtes offertes d’alors : Celles de Thuisy ( de la violette & du village) , et d’Estissac, et la fin de moisson( le chien), la foire de la sainte Catherine, où le père vendait les porcs, les lapins, et par rotation l’un des 3 chevaux dressés, pour un reprendre un jeune à débourrer. On en profitait également pour se rhabiller, et acquérir quelque matériel. La saint Eloi : à cette occasion, chaque année était constitué un comité de 3 membres : un paysan, un commerçant, un artisan, qui se chargeaient de collecter les fonds parmi les habitants pour offrir dans les cafés, le vin chaud & la brioche, et un bal. Sur l’exploitation familiale de 70 ha, le gamin Bernard a connu le premier tracteur : un Fordson à roues métalliques,
l’utilisation de 3 chevaux de trait pour l’épandage du fumier (Le travail avec les animaux évitant de défoncer les terres) ; le binage manuel des betteraves. Le travail de la terre se réalisait en plusieurs opérations : l’épandage d’un engrais de fond, du fumier, le labour, le rouleau casseur de mottes, le hersage, le semis & le roulage, suivis au printemps d’un apport d’azote en cristaux répandu au pas du semeur. Quand les mouches se faisaient agressives, les enfants conduisant les chevaux étaient invités à fumer pour soulager Papillon, Gentil & Bayard, entre autres. De l’école primaire, Bernard, se souvient notamment de la distribution, par l’instituteur, de tickets donnant accès, à tour de rôle, aux bains douches.
La formation agricole, dans l’hiver 1950-51, (annexe du lycée de garçons de Troyes), qui ne lui a guère apporté le petit plus attendu. Un « commis » travaillait à demeure sur la ferme. A la moisson, la moissonneuse-lieuse remisée pour l’année suivante,les gerbes dressées en faisceaux, faute de place sous la grange, avait lieu un premier battage sur le champs, le tracteur assurant la force motrice, deux autres battages à la ferme étaient encore nécessaires pour dépiquer les céréales.Ce qui requérait l’embauche de saisonniers & l’entraide des confrères, en toute réciprocité. Des travaux de sueurs & de poussières : le déstockage et le déficelage des gerbes pour alimenter une machine vorace & bruyante, le dégagement de la paille & de la menue-paille, la mise en sacs de 100kg au sortir des tamis, leur transport à dos d’homme. Des repas copieux, et des gosiers à rafraichir tout au long de la journée. La première moissonneuse batteuse acquise en CUMA remplacée par une Massey Fergusson, en 1951,
la mise en sac se faisant sur la machine. 1958 la fin du service militaire de 28 mois en Tunisie, 1960 le mariage avec Arlette & l’acquisition d’une petite ferme de 30 ha grâce à un emprunt raisonnable. 1961 en reprenant les 70ha de l’exploitation familiale, Bernard se retrouve à la tête d’un bien de 100 ha qu’il travaille exclusivement avec du matériel motorisé. L’arrêt des vaches, mais un cheptel de bœufs à l’engraissement L’exploitation ne produit plus que 50% de semences, ayant recours de plus en plus à la coopérative agricole. En 1961 la production en blé est estimée à 45 quintaux au plus à l’hectare. 1965 l’achat d’une troisième moissonneuse batteuse, la Massey Fergusson avec cabine & trémie ! ( le transvasement des grains pouvant se réaliser sans arrêt dans une benne tractée roulant en parallèle ) Une quatrième, une New Holland, acquise en co-propriété avec son beau-frère, monsieur Mosdier, l’emmènera jusqu’à la retraite Grâce à deux remembrements, la propriété morcelée en 57 parcelles, passe successivement à 10, puis à 7 lots, dont un de 40ha. Si au siècle passé le paysan est resté maître chez lui, il a senti progressivement le poids des coopératives et de la politique européenne le poussant à augmenter les rendements : par l’extension de la superficie des terres prise sur les bois, et par l’utilisation croissante d’engrais & de traitement des maladies, ...et le suroutillage Après une vie de labeur, Bernard aura connu, le travail avec les chevaux, les tracteurs : le Fordson déjà cité, puis un Ford, un mac Cormick, un Farmall, un Someca, un Deutz, un Renault, leur puissance passant de 30 à 120cv 1995: l’heure de la retraite, la propriété non reprise, les terres sont mises en location, les cultures dominantes restant : le blé, l’orge, le petit pois & le colza
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reportage 3 Jean-Marie & Françoise Carton
Dans la grande lignée paysanne du Nord, c’est vers 1928 que les 5 frères d’une fratrie de 16 enfants, à la recherche de terres à exploiter, s’établirent en fermage à Saint Benoist sur Seine à la ferme de Mont Bel Air.« les 5 sans femmes », comme on les appelait, remettent en polyculture les quelques 120 ha de la propriété, à l’aide d’une dizaine de chevaux. Comme dans toutes les exploitations, vaches laitières & animaux de la basse cour peuplent la ferme ; animaux pour lesquels il faut organiser les corvées d’eau à la Seine quand le puits faisait défaut. Vers 1935, Maurice Carton, le père de Jean-Marie prend un fermage 40 ha sur le hameau de Bourg de Partie , (commune de Neuville sur Vanne). Les pommiers et les ruches à miel complètent le revenu. La traite des vaches à la main, le lave linge à la force des bras, c ( L’électricité n’arrivera qu’après la guerre) La fabrication du beurre « Maurice Carton »
- L’élevage des cochons, tués & conditionnés à la ferme, et revendus aux particuliers, La glanée, l’élevage des lapins & autres petits travaux revenaient aux enfants, leur assurant une « petite pièce » pour leurs menus plaisirs. ( des lapins que les enfants livraient en bicyclette, profitant du circuit de livraison du beurre.)
Pour la culture de la betterave, le désempierrage manuel de cette terre de glaise & de silex qui malmenait le matériel. L’achat en CUMA d’un matériel de tri de la semence Le blé porté au moulin d’Ayguebaude(*) pour la production de farine assurant les besoins familiaux Le four à pain. Le paysan avait coutume de dire : " 100kg de blé donnent 100kg de pain:"le meunier se paie avec le son, le boulanger avec l’ajout de l’eau " 1945 le premier tracteur, un Farmall, - la première moissonneuse tractée, les chevaux assurant l’épandage du fumier; le binage manuel des betteraves, et les menus travaux. En 1958, le temps redouté du service militaire, retardé par des réformes successives pour finalement être affecté en Allemagne, prélude au départ en Algérie. 1962 retour à la vie civile, avec le soulagement et la joie de retrouver Françoise sa promise ; les bals de la sainte Catherine, des pompiers, de la saint Eloi, les dimanches sacrés, la messe, les petites sorties, les réunions familiales . 1964 le jeune couple prend une terre en fermage d’une quarantaine hectares à Estissac, (dont le bailleur n’est autre que les CARTONnages Prin, cela ne s’invente pas) Françoise et Jean-Marie égrainent leurs souvenirs : -Les vaches, le lait collecté par la laiterie troyenne, la première trayeuse électrique en 1965, le tracteur Someca d’une quarantaine de chevaux. - -la formation en continue organisée par la chambre d’agriculture -les parcelles réservées aux essais de variétés sous contrôle des semenciers -de l’acquisition, enfin, en 1970, de 60ha complétés en 1971 par les 40 ha de la propriété paternelle. -de la culture du blé, de l’orge, de l’avoine, du colza, des betteraves à sucre -de l’achat en 1972, d’une moissonneuse batteuse à trémie en association avec d’autres paysans. - pour l’entretien du matériel, le recours au maréchal ferrant (René & Maurice Fievez), et aux mécanos agricoles ( Lasnier, Pffifferling). - des journées bien remplies pour le travail de la terre et les soins donnés aux bêtes, -de l’entraide entre paysans dans les moments forts. En 1976 « l’arrêt » des vaches au profit de l’élevage de 130 moutons pour l’agnelage & la prime à la brebis ( la laine ne payant pas le tondeur) De toute cette vie de labeur, Françoise et Jean-Marie, toujours maîtres chez eux, tiennent à souligner les bienfaits de l’Union Européenne qui leur assura les débouchés de leur production. 1998 la retraite, et la reprise de l’exploitation par le fils Jean-Luc, expert agricole de formation, la création de la société« Earl Carton de saint Liébaut » , l’extension de la superficie exploitable, consacrée à la culture du blé, colza, maïs, orge, tournesol, pois, et la betterave sucrière. ( *)aujourd’hui chambre d’hôtes & pisciculture & produits du terroir
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